Caleta Mejillones. c’est ici qu’on vécu les derniers yaghans avant qu’ils soient « déplacés » à Ukika, tout près de Puerto Williams. Reste le cimetière, quelques habitations, des troupeaux libres, des oiseaux, la cabane de Martin, celui qui sait encore faire les canoës d’écorce, quand se ne sont pas de beaux canots en bois de cyprès. Il y a aussi une réplique de « chiajous », qui habritait autrefois les cérémonies d’initiation. C’est dans ces lieux qu’ont été prises les photos de Rosa Yaghan, la dernière des Wollaston. A Puerto Williams nous retrouverons Cristina Calderon, la dernière yaghane a parler la langue et son petit neveu Ariel, petit fils de Martin. Même s’ils sont peu nombreux, même s’ils sont déracinés, leur culture vit encore, on enseigne le yaghan à l’école maternelle, le musée Martin Gusinde leur est consacré. Eux à qui on avait dédaigné toute culture, alors que leur vocabulaire est riche du plus de 30 00 mots, eux qui n’avaient ni chefs, ni dieu, ni religion, eux pour qui la propriété privée se limitait à leurs outils, armes et canoas, eux qu’on a fait quasi disparaître sous prétexte de les « civiliser », ils sont encore là.
Puerto Williams c’est aussi le Micalvi, vieux cargo qui sert de Yacht club, bien que l’Armada ait fermé l’illustre bar qu’il abritait, c’est l’école de voile, la plus au Sud du monde, où plus de cent gamins apprennent à naviguer, quelque soit le temps, gratuitement. Avec les amis Mauro et Roberto comme professeurs ce seront bientôt des champions ! On y projettera « Le bouton de nacre », le film de Patricio Guzman, le temps d’un asado, grands moments…Puerto Williams c’est aussi le restaurant « chez Patty », c’est John le pêcheur, toujours prêt à rendre service, ce sont les retrouvailles, Carmen et Bernard, rencontrés en Polynésie, avec qui nous « braverons » le Cerro Bandera qui domine le canal de Beagle, Juan Pedro, rencontré il y a 4 ans à Quequen, qui lui part pour le Nord. Ce sont aussi les colonies de goélands, les Dominicains et les Scoresby, à quelques pas du port, les chevaux qui broutent librement, n’importe où, les perroquets, hérons, oies et autres….
Sur la route du Horn, Puerto Toro, le village le plus au Sud du monde, puis les dauphins acrobates de la baie Nassau, le Horn, forteresse qui nous laissera passer tranquilement dans un moment de calme. Nous finirons l’année à Puerto Maxwell, seuls dans ce mouillage magnifique, baignant dans le kelp, fascinés par cette nature à l’état brut.
Quand nous découvrirons, au petit matin de notre départ, les cadeaux laissés par Francis et Mauro dans la nuit, nous nous promettrons de revenir un jour, si nous le pouvons, cette partie du monde nous envoûte.
Archives de l’auteur : Patrick
Patagonia
Passé le Golfo de Penas, nous voici enfin dans les canaux : Canal Messier pour commencer, large, imposant et nous avons la chance de naviguer au portant. Les mouillages dans les caletas se suivent, toujours au plus près des arbres, des mousses et lichens, bien à l’abri quand le vent hurle. Nous passerons trop vite à Puerto Eden, dernier refuge des Kawesqars, mais le mauvais temps ne nous permettra pas de nous y attarder. Il n’y a plus ici que quelques familles indiennes, les autres sont à Puerto Natales ou Punta Arenas, ils n’ont pas disparu. Maintenant les enfants fêtent Haloween….Pendant près de 2 mois nous allons vivre isolés dans cette nature qui n’a pas changé depuis 10 000 ans. Pas de routes, pas de maisons, quelques pêcheurs, des épaves, les oiseaux, les dauphins, loutres et otaries. On pense à ceux qui nous ont précédés, on relit Slocum, on se repasse le film « Feuerland », de l’expédition allemande de 1928, avec Gunther Plüschow aux commandes de son voilier et de son hydravion. Eux avaient rencontré les derniers canoeros, on lit dans leur regard qu’ils se savent un peuple condamné, en sursis. Nous arrivons trop tard, bien sûr, mais il nous reste le sentiment de partager le même environnement qu’eux, de boire aux mêmes sources, de couper le même bois pour nous chauffer, de rencontrer les mêmes animaux. On pense à leur vie de nomades, dénués de tout, dans le froid, le vent et la pluie quand nous retrouvons la chaleur de notre poële.
Lentement nous progressons dans les canaux, Concepcion, Inocentes, Sarmiento, Magallanes, Cockburn, Brecknock…pour finir dans le Beagle et ses glaciers fantastiques. Là nous retrouverons le même spectacle qu’en Alaska, la même végétation alpine, mais les condors ont remplacé les aigles. La Cordillère Darwin, le Glacier Romanche nous fascinent. Dans Caleta Beaulieu nous laisserons notre trace, peut être reviendrons nous un jour ?
Puerto Montt – Bariloche – Chiloé
Puerto Montt, on est déja loin des rios tranquilles de Valdivia, le port, dominé par les volcans, est tourné vers l’océan et l’Ile de Chiloé toute proche. Les pêcheurs s’agglutinent dans le canal Tenglo, on fait notre marché à Angelmo, quartier à touristes mais où les chilotes viennent vendre leurs légumes . On assistera à la Fiesta Patria, avec ses cavalcades, ses danses, les petits et grands en costume, ses baraques de foire, on profitera du Club de Yates Reloncavi pour caréner notre Skoiern avant d’appareiller pour Chiloé.
Un petit crochet en Argentine, en bus, pour renouveler nos visas ( déjà 6 mois que nous sommes au Chili), on traverse donc les Andes pour Bariloche, la « Suisse Argentine », et faire au passage provision de chocolat, de livres, de bisous au Saint Bernard, de paysages splendides.
Mechuque, avant poste de Chiloé, où l’on construit encore des bateaux en bois de cyprès, calfatés à l’écorce d’alerce, où les maisons sont sur pilotis, les palafitos qu’on retrouvera à Castro, où les moutons se promènent dans la rue, et où les cygnes, cormorans, canards vapeur nous entourent.
Quemchi, patrie de Francisco Coloane, avec son musée, ses pêcheurs qui se font artistes. Castro, la colorée, sa splendide église en bois, puis Quellon, tout au Sud, où se presse une énorme flotte de pêche.
On poursuit notre route au Sud, le beau temps est avec nous pour las Bocas del Guafo, les volcans nous accompagnent, on arrive dans les Iles Chonos, dernier archipel avant le Golfe de Penas et les canaux de Patagonie. Il ne reste rien des Chonos, il y a bien longtemps qu’ils ont disparus, avalés par l’histoire, sans laisser de traces.
Valdivia
Cela fera bientôt cinq mois que nous sommes à Valdivia, nous n’avons pas vu le temps filer, et nous serions bien restés un peu plus, tellement ce pays nous plait. Valdivia, où sont passés de très nombreux marins, illustres et moins illustres, où nous aurons des nouvelles de ceux qui nous ont précédés, où nous rencontrons nos amis marins de « Fleur de Passion », ferons la connaissance d’Arnaud et Morgane sur « Paradise », de Marja et Stephen, de « Motu », de Tite, compagnon pour les mers du Sud de Willy de Ross…Tant au Club de Yates de Valdivia qu’à La Estancilla nous serons accueillis, aidés, choyés par Jorge, Marcelo, Humberto, Jonathan, par l’ami Chacho… Les chiennes Samanta et Maxima ne nous lâcherons plus. Valdivia, c’est aussi notre porte d’entrée au Chili, pays que nous voulions atteindre depuis si longtemps. Nous allons le découvrir, la terre est riche ici, le marché fluvial est vraiment extraordinaire, on y mange bien, le vin est bon, la bière coule à flot, héritage des colons allemands dont l’empreinte et la présence est très forte. Il y a les Mapuches, habitants de cette terre depuis des millénaires, confrontés au monde moderne, il y a les traces du passé, profondes, témoins de la folie des hommes et de la colère de la nature. Il y a les rios, les forêts d’eucalyptus, les mimosas, la copihue, la fleur emblématique du Chili, les multitudes d’oiseaux, grèbes pélicans, martins pêcheurs, cygnes, cormorans….ibis, rapaces, vautours, il y a les chevaux, splendides. Il y a aussi la pluie, bien sûr, mais aussi du soleil, le climat se réchauffe….
Bientôt nous partons pour Puerto Montt, puis Chiloe, on vous racontera.