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On change d’hémisphère

On savait qu’on aurait pas beaucoup de vent, mais pas à ce point là ! L’Afrique ne voulait sans doute pas qu’on la quitte. Le gas oil manquait déjà depuis 3 semaines à Bubaque, dernière escale des Bijagos, la coque de Skøiern, bien nettoyée par l’eau douce de la Gambie commençait à ressembler à un joli jardin, et pas de vent. Alors on a attendu, profité des grains pour avancer, regrettant le courant qui nous faisait reculer certains jours, mais on a été récompensés : les baleines à bec, furtives, la raie manta qui vient se coller à l’arrière le matin au petit jour, l’éclair bleu métallique de la coryphène qui saute sur la vague ou sur notre appat, le ciel de la nuit qui change petit à petit, nous laissant découvrir la Croix du sud, l’eau de pluie qu’on récolte à chaque grain, la toilette sur le pont, la plus belle salle de bain du monde, même si c’est à l’eau de mer qu’on se lave….Les animaux vivent très bien leur traversée, Zoé faisant le quart les nuits de beau temps, Dick guettant ses copains dauphins, et tout les deux réclamant leur poisson quotidien, frais bien entendu. Passé l’Equateur, le pot au noir nous a enfin laché, et après quelques jours de galop dans l’alizé de Sud Est le sondeur a fini par trouver le fond, et il a fallu quitter le grand large pour retrouver la civilisation.

24 jours qu’on aurait bien prolongés, mais bon, Skøiern avait droit lui aussi a un peu de repos. Ici, au mouillage de Jacaré ( Cabedelo et Joa Pessoa), on a le temps de s’occuper de lui.

La mangrove est toute proche, on dirait l’Afrique, mais les motos des mers et autres bateaux à touristes nous ramènent à la réalité : nous sommes au Brésil.

Guine Bissau

Bubaque, dernière escale africaine avant de nous retrouver seuls sur l’océan. Nous avons du mal à nous arracher de ce continent, et ce ne sont pas les quelques jours que nous venons de passer qui vont nous y aider. D’abord Cacheu, bien cachée derrière ses bancs de sable, défendue par son fort portugais orné de bronzes énormes : Henri le navigateur, Staline, Lénine…puis Bolama, ex capitale en ruine à l’ombre des fromagers géants, où nous avons refait le monde à coup de vin rouge avec le Gouverneur de la province, le Capitaine de port et le Directeur des pêches, puis les îles Bijagos où nous sommes aller mouiller juste là où allait se passer une cérémonie, interdite bien sûr aux non initiés. Etranges ces Bijagos, où se sont les femmes qui dirigent les cérémonies, où l’initiation dure 3 ans pour les femmes, 8 ans pour les hommes (ils doivent alors divorcer et partir dans la nature). Nous sommes arrivés à la fin de cette période, où les hommes allaient être enfin libres, et à la pleine lune les bombolong ont retenti toute la nuit. Les femmes sont en pagne, la tête rasée pour l’occasion, le Roi du village voisin est là, l’autre est mort et sera peut être remplacé….On a du mal à croire à tout ça, mais les endroits interdits existent, comme la forêt des filles défuntes, et le soir fatidique nous avons du changer de mouillage, et ça sentait la cana à des milles à la ronde.
Ibrahima le pêcheur nous a tout expliqué, lui qui est arrivé sur cette île il y a plus de 15 ans. Nous l’avons quitté, avec sa famille, chargé de plus de 50 kg de pamplemousses, d’oranges, de bananes…
On a du mal à imaginer que ce sera bientôt Noël, nous serons en mer, pas trop loin du Brésil, du moins on espère. Peut-être aurez vous de la neige?

Gambia

Deux semaines à remonter le fleuve Gambie sur 150 milles, et nous voici de retour à Banjul, prêts à partir pour la Guinée Bissau et les Bijagos. Quelle beauté la Gambie ! Encore plus de nature sauvage, d’animaux, d’oiseaux..la mangrove qui dépasse les 20 mètres, les pistes en latérite…On a appris à vivre comme les habitants du fleuve, à faire notre lessive à l’eau douce pendant la navigation, à manger ce qu’il y a, et comme c’est la saison sèche, donc l’hiver, des fois il n’y a pas grand chose. Mais on trouve toujours de l’eau, du pain, et la gentillesse des gens. Plein de gosses, des milliers semble-t-il, qui arrivent en pirogue ou à la nage dès qu’on s’arrête, ne nous laissant même pas le temps de mouiller l’ancre. Dick est toujours la vedette, Zoé chasse les chauve souris qu’elle dépose délicatement dans mes bottes une fois qu’elle les a occis…On s’est baladés dans la brousse, vu des varans, des chimpanzés, des singes, des hippopotames (de loin), des oiseaux dont on ne sait pas le nom, un très beau serpent, nageant dans le fleuve…. Les crocodiles sont resté cachés, tant pis ! Il fait moins chaud, la deuxième partie de la nuit et le matin sont même frais, 21-23°. Difficile de partir d’ici, une fois de plus, et il est dur de quitter des gens qui n’ont rien et qui nous donnent quand même.

Sénégal

Allo l’Europe, ici l’Afrique!
C’est vrai qu’on est sur une autre planète ici. Dakar et sa baie de Hann, si belle, mais si polluée, la vieille ville qui semble ne pas avoir bougé depuis 50 ans, et le temps fait son oeuvre, les faubourgs aux rues défoncées, aux petites échoppes genre bidonville, les taxis délabrés, les non moins délabrés « cars rapides », les innombrables files de camions surcharges…Et puis il y a la vie, les petits boulots, les gosses, les oiseaux extraordinaires. Après 2 semaines passées à faire les inévitables réparations, les formalités, soigner la grippe sans doute attrapée dans l’eau claire et profiter du Cercle de la Voile de Dakar, cap sur l’embouchure du Saloum, accompagnés par les pirogues, où les hommes apparaissent debout dans la mer… On nous avait dit que se serait peut être difficile à cause de notre tirant d’eau, mais on a fait les 2 passes d’entrée (et sortie..) sans problème. Pareil pour la Casamance où on a pris goût à naviguer avec des cartes imprécises sinon fausses, selon les renseignements des villageois et à la couleur de l’eau. Elle est splendide la Casamance, avec des villages comme on les imagine, les cases couvertes de palmes, des enclos et des cours soignés, des gosses partout qui nous font visiter leur domaine, des poules que Dick essaie d’attraper, des chèvres…Il y a Elinkine, avec ses pirogues en construction, son marché aux poissons, et les cahutes où on finit toujours par trouver ce que l’on cherche. Ziguinchor, cité déchue, où tout est à l’abandon où presque, paradis des oiseaux qui poussent dans les arbres, mais où, là aussi, on trouve tout. Les gens sont gentils, surtout dans les villages. Dans les villes la vie est plus dure, il n’y a pratiquement aucune infrastructure, pas d’assainissement…Il fait chaud, entre 35° et 38°, on transpire jour et nuit, mais on a choisi! Bientôt c’est Tabaski (l’Aïd El Kebir), et tous les moutons qui broutent et bêlent dans la rue vont finir égorgés, on va se planquer quelque part..
Vous l’avez compris, l’Afrique on aime, elle nous envoûte. Bientôt la Gambie, puis les Bijagos, et après on pensera à traverser.