Ventées les Malouines, très ventées…Une première tempête nous accueillera quelques heures après notre arrivée, elle sera suivie de bien d’autres et on en prendra l’habitude. Stanley n’est pas beaucoup plus protégé qu’ailleurs, se serait presque pire, mais les mouillages, bien qu’exposés, sont de bonne tenue. On pourra quand même profiter de Stanley, très très british, assiter au ballet des pêcheurs de calmar, coréens ou autres, au défilé des paquebots et leur lot de touristes, revoir l’ami grec Aleko qui part pour Saint Hélène, seul. On fera provision de tourbe pour le poële, de bonnes bières anglaises… La vie marine reste riche, dauphins de Peale, baleines (sei) qui profitent de l’abondance du krill.
Une petite amélioration du temps, suivi d’une autre belle tempête, et nous voila enfin à Peeble Island. Là on est chez les manchots, ceux de Magellan au bord de leur terrier, les Papous qui sont en pleine mue. Les moutons sont partout, les oies aussi, tout ce petit monde cohabite pacifiquement. Les dauphins de Commerson, si beaux avec leur smoking blanc et noir nous accompagnent jusqu’au Neck, sur Saunders Island, si près que j’aurai peur que l’ancre les blesse quand on mouillera.
L’arrivée au Neck est grandiose : des milliers et des millers de manchots au bord de cette plage magnifique, des Papous, des Magellans, des Royaux avec leur petit juste sortis de l’oeuf, des gorfous sauteurs dans les falaises. Comme c’est l’époque de la mue le sol est tapissé d’un duvet de plumes. On pourra s’approcher de très près, surtout des gorfous, il faudra même quelquefois leur demander de nous laisser passer. On a l’impression de se trouver sur une autre planète, on est chez les manchots.
Un peu plus loin, à Carcass Island, on retrouvera les manchots de Magellan et les Papous, bien à l’abri dans le tussoc, ces grosses touffes qui sont un refuge pour presque tous les animaux. Les canards vapeur, les huitriers, les tussac bird, les tyrans à la poitrine rouge, tout le monde profite de la plage, et nous aussi pour ramasser du bois d’épave.
Alan et sa femme nous accueilleront à West Point Island, qui s’appellait autrefois Albatros Island, et on comprend pourquoi : là, dans le tussoc, on pourra approcher les jeunes albatros à sourcils noirs, encore au nid. Ils n’ont pas fini leur mue, les parents ne les nourissent plus pour qu’ils puissent s’envoler, et ils commencent à déployer leurs ailes gigantesques, sous l’oeil indifférent des gorfous sauteurs, eux aussi finissant leur mue. Ils sont trop drôles, on dirait des peluches, et ce qui frappe chez tous ce animaux qui vivent ensemble c’est l’absence d’agressivité, leur absence de peur de l’être humain.
Beaver Island, repaire de Jérome Poncet et ses fils, où ils partagent leur temps entre les voyages en Georgie du sud et Sandwiches du sud et l’élevage de moutons et de rennes. C’est le premier endroit des Malouines où nous trouverons un semblant de port. Les bateaux de Jérome, « Damien II » et le « Golden Fleece » sont échoués à la jetée, le bateau de Dion, le « Hans Hansen », a son coffre dans la baie. Et la nuit le souffle des dauphins de Commerson nous bercera depuis notre couchette.
New Island sera notre dernière escale aux Malouines. L’accueil de Charlene et John sera mémorable, ils nous recevront comme des amis et on profitera une fois encore des manchots papous, des albatros, des gorfous, des otaries…Les cormorans royaux, les skuas nichent là aussi, et les farceurs « Johnny Rooks », les caracaras, essaieront de nous arracher nos bonnets, c’est leur grand jeu. Pas de renards comme à Beaver, mais de jolis petis lapins, des chats sauvages, des faucons pélerins. New Island est une réserve naturelle depuis 1972, l’ïle commence à se remettre de 2 siècles de destruction : ravages de l’élevage, qui détruit le tussoc, et du massacre des animaux sauvages. Il y a moins d’un siècle on y chassait la baleine, puis les phoques à fourrure, puis les otaries, pour finir avec les gorfous…Des milliers d’entre eux périront, pour faire de l’huile, quand il n’étaient pas directement utilisés comme combustible…Leurs cousins de l’hémisphère Nord, les grands pingouins, n’auront pas eu la chance de survivre, l’homme, cet être supérieur, les aura rayés de la planète.
C’est aussi à New Island qu’a été retrouvée une pointe de harpon en silex, ces îles tant disputées ont donc certainement été yaghanes, ou kaweskar, longtemps, longtemps avant l’homme blanc…D’ailleurs ces îles ont un nom indien, les îles du vent….